Saturday, August 10, 2019

French army


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Dominique Tertrais > ‎LES GRANDES BATAILLES DE L'HISTOIRE
L’EXTRAORDINAIRE RAPPORT DU GENERAL GUILLAUME CLARKE (1765-1818) SUR L’ETAT DE L’ARMEE D’ITALIE EN 1796.
Au directoire exécutif de la République Française,
Milan, le 30 frimaire an V de la République (20 décembre 1796)
Citoyens Directeurs,
J’ai l’honneur de vous envoyer le tableau des officiers généraux de l’armée d’Italie, avec des notes indicatives de leurs talents et de leur moralité. Presque toutes m’ont été fournies par le général en chef et le chef de l’état major. Quelques observations prises d’ailleurs et qui m’ont paru mériter toute confiance ne vous empêcheront pas de regarder cet ouvrage comme appartenant exclusivement à ces deux généraux et garanti par eux.
Vous remarquerez bientôt qu’une des accusations le plus communément faites est celle « d’aimer l’argent », en d’autres termes de manquer de probité ; elle semble marcher d’un pas égal avec l’utilité du sujet et les services par lui rendus. Je ne vous citerai, à l’appui de cette observation, que les deux généraux divisionnaires AUGEREAU et MASSENA, et le général de brigade LANNES, dont toute l’armée se plaît à vanter la bravoure. Le premier n’a pas mis un grand soin à cacher les moyens dont il se sert pour s’enrichir. Le second agit plus finement, avec plus de pudeur, sans que néanmoins ses dilapidations en soient moins considérables et moins connues. Le troisième enfin, le plus intrépide de l’armée, en est aussi le plus dilapidateur.
Vous serez sans doute étonnés et affligés du petit nombre d’hommes dont la délicatesse a résisté au torrent de l’exemple. A l’abri de la séduction Mais si d’un côté, vous êtes obligés de dépouiller de votre estime tant de sujets « utiles » et dévoués, vous pouvez être sûrs que ceux qu’on a nommés probes le sont réellement. La rigidité du général en chef sur cet article va jusqu’à refuser ce nom à ceux que les circonstances ayant jusqu’ici mis à l’abri de la séduction ont empêché de déployer cette vertu dans tout son éclat. Cette sévérité sur la qualification vous paraîtra peut-être mal s’accorder avec la condescendance dont il use envers ceux qui ne la méritent pas. Mais pour expliquer cette contradiction apparente, qu’il vous plaise, Citoyens Directeurs, de vous reporter à son arrivée à l’armée d’Italie. L’immoralité y avait déjà jeté de profondes racines, et il ne fallait songer qu’à se battre et à vaincre. Ne pouvant, sans craindre de désorganiser l’armée, cesser d’employer tous ceux qui lui étaient connus comme entachés d’improbité, il a cherché à faire tourner au profit de la République leurs passions et leurs vices même. C’est peut-être autant au désir de satisfaire leur cupidité qu’au dévouement d’un pur patriotisme que nous devons la plus illustre et la plus utile de nos campagnes, et la conquête de l’Italie.
Le danger de renvoyer des hommes qui avaient bien mérité, et le besoin que l’on a encore d’eux pour conserver les avantages l’ont emporté jusqu’à présent sur toute autre considération.
Je sens combien il doit répugner au Directoire de confier des emplois qui entraînent une grande responsabilité morale à des hommes pour qui le désir d’acquérir de l’argent est devenu le régulateur presque exclusif de leur conduite. Mais que le Directoire veuille ne pas oublier qu’au dehors il a à soutenir une guerre dont l’universalité de la nation demande la fin, qui peut durer encore, quelque désir qu’il ait de la terminer ; qu’au-dedans il y a des mécontents à surveiller et des ennemis à comprimer ; que cette position exigera pendant quelque temps encore un déplacement de forces considérable ; qu’il se rappelle surtout qu’il ne trouvera toutes celles dont il a besoin, ni dans le patriotisme que la longueur de la Révolution a usé, ni dans l’amour du gouvernement qui n’a présentement ni les moyens de réparer ou faire oublier tous les maux soufferts, ni dans les lois dont l’inexécution ouvre la porte à tous les désordres. Il est et sera sans doute réduit à les chercher dans les passions personnelles. Sans parler d’ailleurs de l’avantage d’employer leur activité au soutien du gouvernement, doit-on compter pour rien d’éloigner le danger dont elles pouvaient être pour sa stabilité ? J’ajouterai encore l’observation que j’ai déjà faite que par une espèce de fatalité, le talent et l’énergie se trouvent chez peu d’individus, réunis à la probité, et que celle-ci asse chez beaucoup d’hommes, pour être un défaut de lumière et de force.
C’est avec une extrême répugnance que je vous engage à conserver de l’emploi à des hommes dont je ne ferais ni mes amis, ni mes collaborateurs. Mais la force des circonstances et la raison d’Etat doivent, je pense, l’emporter dans la occasion sur la sévérité. Cette indulgence forcée ne peut néanmoins s’accorder qu’à la bravoure ou au talent, et aucune considération ne peut limiter en faveur d’individus qui sont à la fois fripons, lâches, et nullement patriotes.
On cite parmi ceux-ci le général DESPINOY qui, absent de l’armée d’Italie, ne peut être employé ailleurs. Quelle que soit l’impossibilité de destituer ceux qui le mériteraient, je crois toutefois qu’il serait facile au général en chef de modérer le cours des dilapidations. On dit que l’on délivre jusqu’à 20.000 rations et même plus aux divisions AUGEREAU et MASSENA qui, réunies, ne composent pas 18.000 parties prenantes. Sans lui faire craindre la destitution des officiers qu’il assure lui être très utile , vous pourriez, Citoyens Directeurs, saisir le moment de l’installation d’un nouveau commissaire ordonnateur en chef avec lequel il paraît pouvoir travailler de concert à la répression des abus pour stimuler son zèle à ct égard.
De toutes les armées, c’elle d’Italie passe pour avoir les opinions les plus exaltées. Mais cet enthousiasme qui entraîne quelquefois des murmures contre le Directoire Exécutif, ne me paraît cependant aucunement dangereux. Il consiste plutôt dans la haine de ceux qui sont regardés comme les ennemis de la République, que dans le désir général du rétablissement de l’anarchie. Il peut d’ailleurs n’être pas utile à une armée qui a de si grands intérêts à défendre, tant de fatigues à essuyer et tant de dangers à courir.
Telles sont mes idées sur l’esprit de l’armée d’Italie. J’ai cherché à juger des choses moins en simple particulier qu’en homme qui a à rendre compte à un gouvernement sage, dont les vues, dans aucune circonstance et moins encore dans celle qui suivent une révolution orageuse, ne peuvent être celle d’un individu probe ais isolé, et qui n’a à répondre que de lui-même.
Salut et respect.
Le général de division,
G. Clarke
Des appréciations portées par CLARKE de concert avec BONAPARTE et BERTHIER, sont annexées au présent rapport, et portent sur 96 officiers supérieurs. Voici des exemples :
MASSENA : Gal de division. Cet officier est très brave et a la confiance.
Il a rendu de grands services. Il est utile à l’armée ; n’est pas soigneux de la discipline. Aime beaucoup l’argent.
AUGEREAU : Gal de division. Cet officier est également très brave et a la confiance. Il passe pour avoir plus de talents que Masséna. Il est très amoureux de la discipline militaire et s’occupe beaucoup des besoins des soldats qu’il commande. Il est très utile à l’armée et a rendu beaucoup de grands services. Il aime beaucoup l’argent.
SERURIER : Gal de division. Très probe. Bon officier, sans avoir de talents transcendants. On lui reproche d’être trop incertain et de ne pas avoir assez de confiance en lui-même ni dans les soldats qu’il commande.
VICTOR : Bon Général de brigade. Brave.
SAINT-HILAIRE : Gal de brigade. Excellent officier et probe. Sera par la suite un bon général de division. A été blessé.
MURAT : Gal de brigade. Brave, conduit bien un régiment de cavalerie. Fait très bien une reconnaissance. Léger, a besoin de se former (note du général en chef). N’a été brave qu’une ou deux fois. Aime l’argent d’après le sentiment de ses camarades et de quelques autres.
LANNES : Gal de brigade. Le plus brave de l’armée. Celui qui a rendu le plus de services. Aime beaucoup l’argent et s’en est beaucoup procuré.
VARIN : Gal de brigade. Sans talents et sans ardeur. Nul.
DUGOMMIER : Adj général. Sans talents, ivrogne quoique très jeune, peu probe.
Etc…
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Dominique Tertrais
Je n'ai publié ici que quelques appréciations de Clarke sur les officiers de l'Armée d'Italie. Si des membres du groupe souhaitent en avoir d'autres, ils peuvent me le demander dans les commentaires de ce post. Mais attention ! certaines sont fort sévères !!!



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